Gilbert Montagné,
sous les sunlights de la domotique

The Fool, Entendre ton sourire, Les sunlights des tropiques, on connaît par cœur les chansons de cet immense artiste de variété française ! Si ses musiques et ses textes n’ont pas de secret pour nous, on connaît cependant nettement moins Gilbert Montagné, le passionné de décoration et de domotique ! Il nous parle en exclusivité de son intérieur…

Gilbert 1Sophie Dumont – Comment percevez- vous votre intérieur ?
Gilbert Montagné – Il n’y a aucun problème pour percevoir, il faut que les gens comprennent cela. Nous avons notre mode de perception, mais avant, je dois faire la distinction : je vous parle en tant qu’aveugle de naissance. C’est une autre réalité par rapport à quelqu’un qui aura vu auparavant. Il va forcément en parler différemment. Mon problème est que je n’ai aucun problème ! Les gens s’attendent toujours à ce que je leur dise « Ah oui, vous comprenez, c’est dur »… Mais ce n’est pas ça ! Pour percevoir… C’est toujours difficile pour moi d’expliquer parce que voir comme je vois est ma normalité. Et voir comme vous voyez serait quelque chose de troublant, sûrement. Je perçois mon intérieur parce que comme vous, je sais ce qu’il y a dedans ! J’aime bien les meubles assez stylisés, j’aime beaucoup la texture du bois… Je préfère le bois au métal, c’est moins froid. Et le bois, c’est vivant.

J’aime beaucoup les meubles d’Asie parce qu’il y a beaucoup de travail dessus, ce n’est pas tout lisse, c’est agréable à toucher.

C’est difficile, car je ne me sens pas différent des voyants. C’est une autre façon d’aborder les choses. Mais le résultat, c’est qu’on le perçoit à peu près pareil.

« Lorsque l’on créer quelque chose, il faut penser que l’objet doit être pour tous. »

Comment est la décoration chez vous ?
C’est bien (rires) ! C’est un mélange de meubles anciens et de meubles que l’on a ramenés de différents voyages. On a un grand meuble pour le riz qui vient de Chine, c’est comme une maie. Dans le temps, les paysans qui faisaient le pain mettaient la farine dans ce meuble, qu’on appelle une maie. Et bien mon meuble à riz est une sorte de maie comme ça, en bois, travaillée. Il y a aussi de la déco plus moderne. Des objets Alessi… D’ailleurs, il y a un truc d’intéressant avec lui : il a gagné un trophée auquel j’avais participé, le Break Barriers – casse les barrières- et il avait fait des objets usuels pour les personnes à mobilité réduite. Par exemple, il y avait des toilettes qui se tournaient pour être plus accessibles. Moi, je n’ai pas cela, évidemment, car je ne suis pas à mobilité réduite du tout. Je vous dis cela car, bien souvent, les gens mélangent tout… Et en ce qui me concerne, ce n’est pas ça !

J’ai aussi un meuble que j’aime beaucoup, que l’on a ramené de Bangkok, qui est comme une espèce de pagode, et plus vous montez sur le meuble, plus les tiroirs sont petits. On a aussi une chaise que l’on ramenée de Pékin… D’ailleurs, on a payé plus cher pour le transport que pour le meuble en lui- même (rires) ! C’est vraiment sympa de pouvoir toucher et se dire « Wahou, on était là-bas et on a ramené ça » ! Ce sont des souvenirs tactiles, c’est important…  J’aime beaucoup le bois…

J’aime bien les tasses qui ont une forme un peu plus moderne, un peu biscornues, un peu étranges ! Finalement, j’aime bien les deux : moderne et traditionnel ! Je trouve encore une fois, qu’il faut continuer à faire vivre le bois. On est quand même dans une époque un peu inquiétante car on abat des arbres et des arbres dans les forêts, pour les envoyer en Chine ou ailleurs, et puis eux, ils nous refourguent les meubles fabriqués ! C’est-à-dire que l’on achète notre bois et finalement on achète des trucs qui viennent de là-bas ! Il faut donner du courage aux ébénistes, aux menuisiers. Il faut que ces métiers reprennent de la vigueur, on en a ! Mais malheureusement, cela a un petit peu tendance à disparaître, à décroître… Et je crois que c’est très important de servir nos bois pour nos meubles. Alors, cela sonne un peu nationaliste (rires) ! La globalisation, je ne suis absolument pas contre, mais il faut faire ressortir nos richesses à nous. Je me dis que finalement, tous les chefs d’œuvres qui ont été créés, tous les meubles extraordinaires, nous n’avons plus de choses comme ça ! Par exemple, j’ai eu la chance d’avoir une visite privée du château de Versailles, j’ai pu toucher le lit de Louis XIV, des meubles… Et c’est extraordinaire ! On ne sait presque plus faire des choses comme ça ! Sans tomber dans l’excès, je pense qu’il faut garder nos savoirs, nos artistes et nos traditions.

Quelle est la domotique que vous utilisez pour faciliter votre quotidien ?
Je suis très passionné par tout ce qui est techno, et j’adore l’informatique, j’adore la domotique. La domotique, c’est contrôler son chauffage à distance ! Cela peut paraître bébête, n’empêche que c’est vraiment bien quand on a, par exemple, une résidence secondaire. Je me sers beaucoup de l’IPhone. Steeve Jobs l’a rendu accessible. Tous les IPhones ont ce qu’on appelle Voice Over et grâce à cela, on peut s’en servir. Il y a des applications extraordinaires ! Par exemple, je viens de tester une appli de OCR, reconnaissance de texte : vous mettez une feuille, une lettre, ce que vous voulez d’écrit, et par la caméra de l’IPhone, ça vous lit la lettre ! C’est fantastique et ça marche très bien. Cela fait partie de la domotique. Je pense que l’on aura dans un futur proche une domotique du genre : lorsque quelqu’un sera à votre porte, si vous l’avez répertorié dans les visages connus,  cela vous annoncera qui est-ce. Ce sont des petites choses mais c’est très important.

« J’ai besoin d’être ému par une texture. J’ai besoin d’être touché quand je touche.« 

Quelles sont les innovations domotiques qui vous manquent ?
Je voyage surtout dans le futur de ce qui va exister. Il va bientôt exister des robots qui pourront être des accompagnateurs. C’est-à-dire que quelqu’un comme moi, par exemple, pourrait avoir envie d’avoir un robot, qui m’emmènerait où je veux. Mais ça va exister, et bientôt ! On avance beaucoup, à grands pas… ce qui me fascine, c’est de me dire qu’en 2016, on va avoir les premières voitures complètement auto-assistées. Pour moi, c’est vraiment la seule chose qui me manque. C’est mon grand rêve ! Je ne sais pas combien cela va coûter, mais je veux me payer un truc comme ça, parce que c’est merveilleux. L’important dans la vie, c’est d’avoir le choix. Vous aurez, vous, le choix de conduire, ou conduire une partie du trajet, ou ne pas conduire du tout et se laisser guider ! Quand on réalise, on se dit que finalement, beaucoup de changements sont faits pour tout le monde. Je dévie, mais par exemple, la télécommande au départ c’était fait pour un homme qui venait du Viêtnam.

Un soldat avait un ami qui avait été blessé et était paraplégique et celui-ci dit à son ami : « Tu te rends compte, je ne peux même pas changer les chaînes de la télévision » ! Et son ami ingénieur lui a créé une petite boîte, qui s’appelle la télécommande ! C’est comme cela que la télécommande est née ! Cela veut dire qui ce qui est fait au départ pour des personnes en situation de handicap, comme on dit, sert finalement à tout le monde.

Lorsque l’on créer quelque chose, il faut penser que l’objet doit être pour tous. Pas créer un truc, puis 20 ans après se dire « Tiens, comment on va faire pour eux qui ne marchent pas, qui ne voient pas »… C’est du temps perdu, alors que si c’est prévu au début, comme l’IPhone par exemple, et bien ça le fait tout de suite !

Lorsque vous êtes invité chez des amis, que vous allez à l’hôtel ou au restaurant, comment ressentez-vous la décoration du lieu ?

Lorsque j’arrive dans une chambre d’hôtel, je fais le tour du propriétaire. Cela va assez rapidement parce que j’ai l’habitude. Dans un premier temps, je me rends compte du volume de la pièce dans laquelle je suis. Cela s’entend. Par exemple, vous qui faites l’interview, je sens que vous êtes dans une pièce dont le plafond n’est ni très haut, ni très bas, que la pièce n’est pas immense, mais qu’elle n’est pas minuscule non plus. Tout cela s’entend. Ce qui est intéressant, ce sont les objets, les meubles qui composent la pièce. Je préfère des pièces qui sont un peu dégagées plutôt qu’avec plein de trucs au milieu. C’est moins praticable. Mais cela devient praticable à partir du moment où l’on s’habitue à ce qu’il y a. Je ne vais pas demander à mon épouse de ne pas agir en tant que voyante ! Je respecte votre monde ! L’important, c’est que l’on respecte le mien aussi. On apprend tout ça… Par exemple, quand j’étais môme, j’ai le souvenir de la maison – d’ailleurs, faites-en l’expérience !- quand on venait de peindre, je le savais, non pas seulement par l’odeur de la peinture évidemment, mais parce que la pièce sonnait différemment. Oui, une pièce sonne différemment lorsqu’elle vient d’être repeinte ! C’est plus clair, le son est plus clair. C’est comme si c’était plus grand tout à coup. Voilà comment je fonctionne !

« Quand vous achetez quelque-chose, regardez-le, mais touchez-le aussi. »

Comment choisissez-vous votre décoration ? Qu’en pense votre entourage ?
Je choisis par les textures, les formes et… C’est la femme qui décide ! (rires) Mais c’est bien, cela ne me dérange pas. Mais ne vous inquiétez pas que j’ai toujours mon mot à dire, plutôt deux fois qu’une ! C’est un ensemble. Je choisis du bois, du velours, j’adore le velours. Toutes ces choses sensuelles… Je n’aime pas les meubles aux angles trop durs. J’aime qu’il y ait une certaine finesse, une certaine douceur, c’est important. J’adore le cuir, j’adore son odeur, le toucher, c’est beau. Encore une fois, je suis plus attaché à des choses traditionnelles que hyper modernes, style « arts plastiques », ça ne me branche pas vraiment. Je comprends que c’est tendance, mais je m’en moque complètement ! J’ai besoin d’être ému par une texture. J’ai besoin d’être touché quand je touche.

Mon entourage trouve ma déco très bien ! Même s’ils ne trouvaient pas ça bien, du moment que cela me plaît à moi, à ma famille c’est bien. Mais ils trouvent cela très bien. On a des verres qui dansent tout  seuls ! C’est-à-dire qu’ils bougent tout seuls mais ne tombent ou se renversent pas. Ce sont des verres avec une forme particulière, il y a des creux ou des reliefs, on les pose sur la table, ils bougent mais ne se renversent pas. C’est marrant, j’aime bien ça!

J’aime tout ce qui est intéressant à toucher. Finalement, quand vous y pensez, beaucoup de choses sont très intéressantes à toucher, et à ce titre, j’invite les lecteurs d’Homme Déco à toucher. Je trouve que le sens du toucher, chez vous les voyants, est trop pauvre. Mais on vous aime  (rires) ! Dans la société, on a emprisonné le sens du toucher, et il ne fallait pas… Alors que c’est tellement beau… Quand vous achetez quelque-chose, regardez-le, mais touchez-le aussi, faites-moi plaisir.

Pour vous, quelle est la pire faute de goût en matière de déco ?
La faute de goût la plus importante est de ne pas avoir ce sens du goût naturel. Chacun est différent et important, donc il n’y a pas une seule ligne de goût. Chacun ressent naturellement ce qu’il veut ou ne veut pas, a et n’a pas. Je ne connais pas les couleurs mais cela ne m’ennuie pas du tout car je ne sais absolument pas ce que c’est. Par contre, la disposition peut être mauvaise. Encore une fois,  les matériaux. Nous, les non-voyants de naissance, on a aussi nos critères, qui sont différents un peu, mais qui finalement se rejoignent parce que l’important c’est que ce soit beau, et le beau  n’est pas simplement visuel. La beauté est aussi tactile et il faut faire confiance à ce sens-là.

L’amour se raconte en musique. Comment chantez- vous la déco ?
(Rires) En terme de déco, j’aimerais bien qu’on se branche plus sur les notes lorsque l’on créé des meubles. Parce que savez-vous que chaque élément qu’on touche a une note ?! Vous y penserez : si vous tapoter sur une table, un verre, sur tout objet, il y a une note. Je crois que mon grand rêve serait d’avoir une table, où, à chaque endroit où l’on tapoterait, il y aurait une note, et chaque note irait avec les autres et toutes ces notes formeraient une belle harmonie. Cela me plairait bien… C’est amusant, c’est la première fois que je pense à ça ! On devrait s’attaquer aux notes qui sortent quand on effleure le meuble ou l’objet et faire que ces notes d’un même objet aillent bien ensemble. Ça, ça serait super cool !


beec9aa9_oGilbert Montagné, sa préférence à lui…

La couleur : il est évident que dans ma planète, je n’ai pas les couleurs ! Je ne sais pas ce que c’est. Vous me dîtes « ça, c’est noir », même si c’est gris, je vous dirai « ok » ! Mais cela ne m’empêche pas de dormir du tout ! Je ne suis pas programmé comme ça, mon disque dur n’est pas programmé avec les couleurs.

Le meuble : le meuble dont je vous ai parlé qui vient de Bangkok,  j’aime vraiment ses petits tiroirs puis je sais d’où il vient, il est beau à toucher.

La pièce : ça dépend de l’heure ! Cela peut être la chambre, mon bureau où j’ai mon équipement de musique… Non, je ne peux pas répondre, ça dépend vraiment du moment !

L’objet : cela va vous sembler banal, mais c’est mon piano ! La sensualité d’un clavier, c’est extraordinaire ! C’est tout un voyage… Et je suis dingue de téléphones. J’adore ça. J’ai un petit musée de tous mes téléphones que j’ai depuis 30 ans. Je les garde, surtout le premier, c’était énorme ! Il faut croire en ses rêves, j’ai rêvé quand j’étais enfant qu’on aurait des téléphones portables et à l’époque, quand j’en parlais, on me prenait pour un allumé,  mais moi j’y croyais vraiment. J’aime beaucoup les téléphones et aussi les objets électroniques neufs, lorsqu’ils sortent du carton, de l’emballage. Il y a une odeur que j’adore.

L’ambiance : avec une petite musique, pas très forte… J’aime bien l’encens…. J’aime l’odeur d’une bougie qui brûle. Pas une bougie parfumée spécialement, une bougie normale, l’odeur de la cire… On s’approche de l’heure de l’apéro, une petite coupe, ce serait sympa !

La matière : j’aime le cuir, c’est vrai. Et le bois.  Il y a plusieurs modèles que j’aime bien. J’aime les choses nobles, qui ont du caractère.

Un architecte/designer : je suis déjà allé dans certains hôtels signés Philippe Starck. C’est assez dépouillé, c’est différent de ce dont je vous ai parlé mais cela m’intéresse de savoir comment c’est, de comprendre. C’est intéressant !