Meiji, splendeurs du Japon impérial

Jusqu’au 14 janvier 2019

À l’occasion de la commémoration du 150e anniversaire de l’ère Meiji (1868-1912), cette exposition met en lumière l’inventivité sans borne et l’extraordinaire vivacité des arts japonais à une période charnière de l’histoire du pays. Pourtant soumis à des bouleversements sans précédent – ouverture à l’Occident, modernisation et industrialisation rapide du pays, militarisation, recomposition des zones de peuplement – le Japon se présente alors sous ses plus beaux atours. Événement majeur de Japonismes 2018, l’exposition, constituée de plus de 350 pièces, est l’occasion de présenter à Paris la richesse des collections publiques françaises et britanniques (avec des prêts de la BnF, du musée d’Orsay, du Victoria & Albert Museum et du British Museum). Elle est rendue possible grâce à la participation exceptionnelle de la Khalili Collection of Japanese Art. Elle vise à illustrer, dans toute sa variété et sa splendeur, un chapitre encore trop méconnu de l’histoire des arts japonais. Le renouveau, au début de l’ère Meiji, d’un certain type de cérémonie du thé dont les arrangements floraux utilisaient des récipients en bambou sollicita ensuite la créativité d’artistes raffinés et merveilleusement inventifs. Aujourd’hui encore, la vannerie japonaise en bambou procure à certains de ses créateurs, passés maîtres dans le tressage de la fibre, le prestigieux statut de Trésors nationaux vivants. Parfois dénuées de toute fonctionnalité, les vanneries les plus contemporains se muent en véritables sculptures, formant ainsi un champ artistique d’une profonde originalité.

L’exposition débute sur une présentation de l’établissement d’un empire et la création d’une imagerie impériale propagandiste. Des photographies illustrent l’industrialisation et la modernisation de l’espace urbain alors que des estampes montrent la montée vers la guerre. Dans un deuxième temps suit la construction positive de l’image artistique et industrielle du pays à l’extérieur, qui se présente au monde lors des expositions universelles et internationales. À travers ce foisonnement artistique éclectique (que ce soit des bronzes monumentaux réalisés pour les foires mais aussi de somptueux objets d’art réalisés pour la famille impériale), une nouvelle représentation du pays se fait jour, avec ses images emblématiques d’un Japon éternel : le mont Fuji, ou encore le pont aux glycines de Kameido. Pour les artistes japonais, pas de révolution toutefois mais un habile retour aux sources motivé par une adaptation au goût d’un marché tant intérieur, avide de nouveautés, qu’extérieur, en plein essor. Si l’ordre ancien est aboli, tsuba, sabres et kimonos deviennent objets de collection et une histoire de l’art du Japon se fait jour au Japon. Une relecture des arts chinois et japonais anciens permet le renouveau des styles, quant aux techniques  traditionnelles – laque, vannerie, céramique – elles deviennent les emblèmes d’un savoir-faire revivifié, comme l’illustrent les pièces réalisées par le céramiste Miyagawa Kozan ou le laqueur Shibata Zeshin. Enfin, des techniques nouvelles, tel le travail de l’émail cloisonné, sont poussées jusqu’à une perfection éblouissante ; le constant dépassement de la technique est à l’honneur. Cependant, des voix divergentes s’expriment. Si les artistes sont nombreux à embrasser la volonté impériale, certains, à l’instar de Kawanabe Kyosai, résisteront à la propagande officielle pour créer sans entraves. Fervent bouddhiste, caricaturiste féroce et drôle, dessinateur éblouissant, Kyosai est une des personnalités les plus brillantes de la période. La résistance du bouddhisme face au shintoïsme, le renouveau des représentations des yokaïs, fantômes et autres esprits issus du folklore japonais, sont autant de démonstrations des limites de cette modernisation à marche forcée et l’expression de la formation d’une forte conscience du peuple.

La troisième partie de l’exposition se joue de nous et montre que le Japonisme, fruit de la passion de l’Occident pour l’art japonais, influença à son tour les artistes japonais qui créèrent des œuvres aussi « japonisantes » que celles qu’ils avaient inspirées, sans pour autant tomber dans la « japoniaiserie » ; le nihonga (« l’art de peindre à la japonaise sur un mode nouveau ») en sera une des manifestations les plus durables. Un japonisme international était né. L’ère Meiji avait fait passer le Japon à l’ouest sans pour autant le faire renoncer complètement à lui-même.

Musée national des arts asiatiques– Guimet, 6, place d’Iéna 75116 Paris.  Maps_Google
www.guimet.fr