Very Big Mamma
Big Mamma, c’est l’aventure de jeunes français, Tigrane et Victor, qui ont su fédérer, autour de leur projet, le meilleur de l’Italie. D’abord leur chef Ciro Cristiano, un talent napolitain, puis les fournisseurs issus de l’Italie profonde qui leur livrent des matières premières de qualité. Mais aussi le personnel, pour la plupart italien. C’est aussi, en quelques mois, l’ouverture de deux restaurants : East Mamma et Ober Mamma. Naissance d’une chaîne ? Non car, excepté les matières premières, les différences sont nombreuses : décoration, carte, concept… Nous avons donc décidé de mettre en lumière ces électrons libres de la restauration qui en bousculent les codes. Coup de projecteur sur Victor et le chef Ciro.
Vous venez d’ouvrir Ober mamma, la décoration n’a rien à voir avec East mamma, est-ce volontaire ?
Victor. Il y a un restaurant qui s’appelle East mamma et un autre qui s’appelle Ober mamma, si un jour il devait y en avoir un troisième, le nom serait encore différent. L’idée est de faire des restaurants qui ont des choses qui changent et des points communs. Un des points en commun c’est que tous nos produits sont importés d’Italie et que tout est fait maison. Ce qui change, c’est à peu près tout le reste ! Architecture, recettes, carte des vins et parfois même le concept changent. Par exemple à Ober mamma, on a un bar à cocktails qui permet un apéritivo à l’italienne dans toute la première partie de la salle. L’idée première de Big mamma est de faire de la bonne cuisine italienne pas chère comme l’on trouve en Italie dans les trattorias. Petite différence, c’est que nous la réinventons en permanence et cela nous amuse.
Ciro. Pas facile de trouver de bons produits italiens. On a fait de nombreux tests mais au final on a réussi à trouver de petits producteurs. Ici on est dans la maison des talents italiens. Résultat les gens veulent travailler avec nous et c’est plutôt sympa et flatteur.
Comment définiriez-vous la décoration de vos restaurants ?
Victor. Chaleureuse. C’est ce qu’il y de plus important. Il faut que nos restaurants soient chaleureux. C’est clairement une inspiration anglo-saxonne. Nous n’avons pas utilisé les mêmes architectes, mais dans les deux cas on a privilégié des architectes londoniens, pour la bonne et simple raison que les anglais savent faire des lieux qui sont chics et populaires. Chic veut dire un bel endroit avec de beaux matériaux pour un endroit soigné et raffiné. Et populaire parce que les personnes qui passent devant nos restaurants ne doivent pas penser “c’est trop chic, ce n’est pas pour moi”. Le résultat c’est que tout le monde se sente bien ici.
« Nous avons même des gens qui rentrent dans le restaurant juste pour regarder ! »
Pourquoi avoir choisi des anglo-saxons et non italiens ?
Victor. Effectivement, vu le concept de nos restaurants, nous aurions pu choisir un architecte italien. Depuis une dizaine d’années, en Italie, la tendance architecturale est sobre et minimaliste pour un résultat assez froid. Cela ne correspond pas du tout à notre philosophie ! La conception de notre métier n’est pas de servir des pâtes ou des pizzas mais d’apporter une convivialité, un service, que nos clients se sentent bien. C’est pour cela que le service est aussi important chez nous, c’est pour cela que la cuisine est au centre du restaurant, c’est pour cela que l’accueil est important, c’est pour cela que nous faisons attention au moindre détail. Notre objectif est de faire en sorte que nos clients se sentent comme en famille. En fait, avec du recul, nos restaurants ressemblent beaucoup aux trattorias italiennes. Les vraies bien sûr, pas celles qui ont été redésignées !
Ciro. Si les architectes étaient anglais, les ouvriers sur le chantier, pour la plupart, étaient italiens !
Victor. Oui car les italiens savent travailler les matériaux comme le bois, les marbres…
Ciro. Et résultat on a évité tous les clichés italiens que l’on retrouve dans la plupart des restaurants à Paris. Nous avons même des gens qui rentrent dans le restaurant juste pour regarder ! C’est très sympa
Victor. Il y a un truc que les anglais savent très bien faire, et ce depuis longtemps, ce sont les cuisines ouvertes. Et c’est un vrai métier, cela ne s’improvise pas. Quand vous mettez les chefs au milieu du restaurant, nous mettons la cuisine dans l’endroit le plus noble du restaurant. Tout le monde voit les chefs, les entends et s’il y a des odeurs tout le monde peut les sentir. Mais arriver à créer cette proximité intense entre la salle et la cuisine sans que la clientèle soit dérangée par des bruits de casseroles ou les ordres lancés par le chef est un vrai métier. N’avoir que le spectacle visuel est très compliqué et nos architectes le font depuis 10 ans à Londres.
D’où viennent vos inspirations dans la décoration de vos restaurants ?
Victor. Big mamma c’est le projet de beaucoup de personnes, il n’y a pas que Tigrane et moi. Et notre philosophie est de pousser nos collaborateurs à s’exprimer. S’il n’y a que nous à donner notre avis ce n’est ni motivant pour nous ni pour nos collaborateurs. Quand nous avons trouvé les lieux, nous avons dit à nos architectes “allez-y faites-vous plaisir ! Mais vous devez respecter deux choses : la cuisine ouverte et la décoration se fera par nos produits”. C’était quelque chose d’important pour nous, on ne voulait pas de produits artificiels pour faire notre décoration. Ici nos jambons, on s’en sert ! Tous les jours on en décroche un pour notre aperitivo. Et tous les 4 jours une palette arrive et on les accroche ! En tant qu’entrepreneur il faut savoir lâcher le “bébé” et donner de la latitude.
En matière de design, les italiens ont une réputation mondiale, quelle serait pour vous la ou les marques iconiques ?
Victor. Pour nous il y a une marque qui représente l’Italie : c’est Molteni, parce que c’est la plus belle cuisine au monde ! Et pour un chef, ou un restaurateur, c’est un rêve. Si un jour on peut, on s’en achètera une mais pour l’instant on n’a que la Fiat ! Mais on aimerait bien avoir la Ferrari… Et ce n’est pas Ciro qui dira le contraire. C’est un objet de décoration à part entière.
Je me souviens, on était avec Ciro dans le sud de la Sicile. Nous étions allés voir un de nos producteurs. Et il nous a emmenés dans un petit restaurant, qui n’était dans aucun guide, au fin fond d’une ruelle. Il ne faisait que 30 m², aucune décoration, les murs étaient peints en gris, quelques tables… mais au milieu de la salle trônait une Molteni verte absolument magnifique. Et cette cuisine ouverte sur la salle nous a beaucoup inspirés. En fait Big mamma est une inspiration mixte : une partie anglaise pour le côté jeune, populaire et chaleureux et le côté italien pour son côté cuisine “comme la mamma”.
De quel style de décoration êtes-vous le plus proche ?
Victor. J’ai été élevé par un papa qui travaille dans le design. J’ai toujours vécu dans des appartements extrêmement purs, extrêmement designs…c’est l’univers dans lequel j’ai grandi. Ma femme et mon associé aiment, au contraire, des designs beaucoup plus riches, plus charnus, plus décorés, plus boisés… Du coup c’est mon associé qui a beaucoup drivé pour faire des restaurants des lieux chaleureux. On a emmené des objets personnels, comme mes livres de cuisine qui sont posés sur les étagères avec les bouteilles de vin, petit à petit nous avons enrichi les lieux.
Ciro. Pour moi, ma décoration est faite surtout de souvenirs qui encombrent mon intérieur. Pour les pizaiolos les sacs de farine sont de la décoration ! En fait les choses que l’on utilise tous les jours sont de la décoration.
Victor. Cela rejoint notre façon de faire la décoration de nos restaurants. Je suis passionné de vins par exemple, il y a une petite trattoria qui utilise un meuble comme le nôtre pour stocker le vin, d’où notre meuble… Et c’est pareil pour de nombreuses choses ! Autre exemple, Ciro nous signale qu’il a besoin de sa machine à pétrin et la farine à portée de main. La question qui se pose c’est comment les transformer en objets de décoration ? Idem pour la cuve d’huile d’olive.
« Qui va piano va sano ! »
Quel objet de décoration aimeriez-vous avoir ?
Victor. Une Molteni ! Je crois que dans nos restaurants, nous nous sommes offerts tout ce que l’on voulait. Nous ne nous sommes rien refusés.
Ciro. Il y a les 2 fours à bois ! Pour moi ce sont comme des petits jouets. J’adore cuisiner avec.
Victor. Oui c’est vrai les fours à bois ! Il y en a qui s’achète des Porches mais nous c’est des fours à bois… Mais ce n’est pas n’importe lesquels ! Il y en a 3 dans le monde : New York, Naples et puis nous. Il pèse 8 tonnes, une pièce unique et c’est l’élément fort de notre décoration. Cela a été très complexe , au niveau technique, pour pouvoir l’installer. Mais c’est la première chose que vous voyez lorsque vous entrez dans l’enfilade.
Ciro. Même en Italie ils sont étonnés qu’on ait un four à bois de Salvatorre Acunto ! Et puis il n’y a pas que pour la pizza qu’il est formidable. Je cuisine aussi beaucoup avec. La dernière fois c’était pour un navarin de poulpe que j’ai mis à cuire toute la nuit…
Pensez-vous ouvrir un troisième restaurant ?
Ciro. Qui va piano va sano !
Victor. Si on ouvre un troisième restaurant, il devra avoir son propre concept et nous nous réinventer, donc on va prendre le temps. Tout part de la cuisine. Est-ce que l’on a un projet ? Est-ce que l’on a quelque chose de nouveau à proposer ? Ciro est un grand cuisinier de viande. Peut-être que demain on fera un restaurant autour de cette idée…. ou bien une autre ! Bref on ne manque pas d’idées.
Qui a eu l’idée de la décoration de vos toilettes ? [ndlr : la porte comporte une glace sans tain]
Victor. C’est l’idée de Tigrane ! C’est le type qui aime bien plaisanter. Lorsque nous en avons parlé à nos architectes, qui sont jeunes avec des idées un peu farfelues, ils nous ont dit “vous n’allez par faire ça ? ” Et bien si, on l’a fait ! Et cela fonctionne car c’est rigolo, pour se laver les mains, c’est l’idée de nos architectes. C’est un truc dans lequel on met la laine des moutons pour la teindre. Donc ils sont allés chiner en Ecosse et ils les ont trouvés dans une ferme. Nos toilettes sont un puits sans fond de situation comique.
Si vous deviez décrire Ciro…
Si c’était un logement : C’est une ferme à la campagne sous le soleil qui tape. Ciro a 25 ans mais il est d’une solidité à toute épreuve. Il gère 40 personnes en cuisine. Il n’est jamais pressé, il a toujours le temps. C’est un roc. Voilà c’est la maison de pierre sur la coline.
Si c’était un meuble : une Molteni
Si c’était un luminaire : C’est un grand manager. Les gens ont envie d’être lui. Le lustre Zettel de Ingo Maurer le représente bien. Avec toutes ces facettes, comme Ciro.
Si c’était un ustensile de cuisine : Je ne sais pas pourquoi mais une cuillère en bois.
Si c’était un plat : Des pâtes fraîches à la Luciana. Ce sont des pâtes napolitaines très simples, très paysannes.
Si vous deviez décrire Victor…
Si c’était un logement : Un petit studio japonais. Cela paraît très petit, mais si on bouge un mur il y a quelque chose derrière. On croit voir un canapé mais derrière il y a une cuisine ! On croit que c’est un 20 m² mais en fait c’est un 120 m².
Si c’était un meuble : Notre meuble à ranger le vin car c’est plein de petits détails.
Si c’était un luminaire : Un chauffe plat. On n’en n’a pas besoin tout le temps mais il est là quand on a besoin.
Si c’était un ustensile de cuisine : Un fouet…c’est la première chose qui me vient à l’esprit
Si c’était un plat : Le brasé Barollo. C’est un bœuf braisé enrobé d’une pâte feuilletée. Quand il arrive, on ne voit rien. On croit que c’est un truc dur mais quand tu casses la croûte, tu vois des légumes et un bœuf en sauce. Plein de bonnes choses à manger. Il faut juste savoir casser la croûte.