Xavier Cartron décore le monde
Architecte d’intérieur, Xavier Cartron parcourt le globe et marque de son style les grands projets comme les hôtels, les résidences privées ou bien encore les palais. Portant, ainsi, le style dit “à la française”. Cette année, cet architecte de talent a vu sortir deux de ces réalisons : un hôtel 5* à Bata et le Palais du Pays à Abou d’Adabi. Rencontre avec ce globe trotter.
Pour la réalisation de l’hôtel cinq étoiles à Bata, vous avez collaboré avec l’artiste Richard Orlinski pour la façade. Qu’est-ce qui vous a séduit : son travail, l’homme ou bien les deux ?
La collaboration avec Richard est le fruit d’une rencontre. Nous nous sommes rencontrés lors d’un match de football, et la conversation a rapidement dévié sur l’art et l’architecture, des passions communes. J’avais déjà utilisé ses sculptures dans mes projets. Nous avons ensuite travaillé ensemble pour la réalisation d’une sculpture monumentale : un faucon, l’emblème des Emirats Arabes Unis. J’aimais son approche « Born Wild » et quand le projet hôtelier en Afrique s’est présenté, j’ai immédiatement pensé à son approche sculpturale brute. Notre première collaboration est alors née.
Peu d’architecte font appel à des artistes pour des projets d’envergure et surtout pour des façades. Généralement ils se contentent de commander une œuvre pour l’intérieur. Pourquoi avoir bousculé les codes ? Pensez-vous faire plus souvent appel à des artistes ?
Je ne suis pas architecte mais architecte d’intérieur, c’est peut-être pour ça que j’ai eu cette approche « architecturale-sculpturale » qui bouscule quelque peu les codes. Je ne sais pas si je travaillerai de nouveau avec un autre artiste puisque notre collaboration avec Richard s’est transformée en association. Depuis nous avons développé ensemble un studio de design qui porte le nom de Orlinski Design. Ensemble, nous avons travaillé sur différents projets de design et d’architecture. Parmi ces projets, la montre pour Hublot et aussi un concept de villas sculpturales aux Caraïbes numérotés comme les œuvres de Richard. Actuellement nous sommes en train d’élaborer une ligne de mobilier qui porte cette signature.
Que signifie pour vous une architecture d’intérieure dite “à la française” ? Quels en sont les repères ?
Pour ma part l’architecture d’intérieur dite à la française est avant tout une conception globale. Les univers sont traités dans leur volume, l’architecture d’intérieur ne cherche pas la tendance mais l’intemporalité. Elle s’intègre plus qu’elle ne s’impose. C’est dans cette approche conceptuelle qu’il me semble différencier une approche culturelle.
« L’architecture d’intérieur dite à la française est avant tout une conception globale. »
L’environnement n’est plus un phénomène de mode, mais un véritable enjeu. Pour l’hôtel de Bata, vous avez utilisé pour la façade un matériau qui régule la température. Pouvez-vous nous en dire plus ? Peux-t-on imaginer que ce matériau soit la nouvelle norme pour de futurs projets que ce soit en construction ou en rénovation ?
Le matériau de Bata n’est pas une innovation en soit l’idée était de développer une double peau pour créer une ventilation extérieure qui isole quelque peu le bâtiment. Mais oui effectivement, l’approche environnementale est maintenant devenue une préoccupation majeure dans nos projets. Pour exemple actuellement nous sommes en train de concevoir une mosquée au Moyen-Orient à énergie positive où nous utilisons différentes technologies qui permettent de s’intégrer à l’architecture. Mais aussi dans l’architecture intérieure où le traitement des volumes permet de limiter la surconsommation. Par exemple : Nous avons réutilisé l’idée des puits à vent pour traiter des systèmes de ventilations naturelles dans nos projets. Dans les choix des matériaux aussi nous devons être attentifs. Actuellement, nous n’hésitons plus à utiliser des matériaux de synthèse pour limiter l’utilisation des marbres et pierres naturelles ressources épuisables.
En avril dernier, un projet titanesque a vu le jour avec le Palais Présidentiel d’Abou d’Abi. On note plusieurs réalisations qui ont repoussé les limites de poids, de taille, de hauteur comme, par exemple, la décoration du Dôme à 60 mètres de hauteur ou le tapis de 67 mètres de longueur et de 35 mètres de largeur qui orne la salle du conseil des ministres. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué et pourquoi ?
Même si je n’ai pas vocation à vouloir entrer dans le Guiness des records, il est vrai que le Palais Présidentiel d’Abu Dhabi, « Qasr Al Watan », est un projet hors norme. Le défi principal était de traiter les volumes et de respecter les proportions. À titre personnel je n’avais jamais traité un palais ayant une pièce de 1 hectare. En effet, le hall principal fait un hectare et atteint 60 mètres de hauteur sous plafond. Ce qui est équivalent aux dimensions d’un stade. Nous nous sommes beaucoup inspiré des architectures classiques pour respecter l’ordre des proportions et que l’œil puisse avoir la même lecture du décor que ce soit à 2 ou à 60 mètres de hauteur. La réalisation des travaux a été angoissante. Nous avons tout réalisé sous échafaudage sans qu’aucune correction visuelle en taille réelle ne soit possible. Cela veut dire que le jour où l’échafaudage a été démonté j’ai découvert le projet dans sa globalité et l’erreur aurait été irréparable.
« L’approche environnementale est maintenant devenue une préoccupation majeure dans nos projets »
2 300 pièces à décorer, un véritable défi à relever ! Comment avez-vous fait pour que chacunes d’elles soient différentes ?
C’est une fois le projet fini que j’ai réalisé que nous avions 2300 pièces différentes. Durant le process d’études nous n’avions pas forcément conscience de la quantité. Heureusement, car je pense que cela nous aurait paralysé. Il faut aussi imaginer que 2300 pièces ne sont pas forcément 2300 différents concepts, dans ce projet il existe des zones typologiques. Néanmoins, l’étude de chaque pièce a été nécessaire. Nous avons morcelé le travail par zones et séquences, isolé les différentes interventions par lot et ensuite développé de nombreuses inspirations pour pouvoir mener à bien toutes les études.
Quels sont vos réalisations futures ?
Nous avons de nombreux projets au Moyen-Orient en particulier des villas Privées mais aussi des bâtiments publics, Nous sommes en train d’étudier un ensemble hôtelier très haut de Gamme dans le Sultanat de Oman. Nous avons aussi des projets en étude en France et en Afrique. Nous réalisons aussi un centre de conférence gouvernemental au Turkmenistan. De nombreuses collaborations design, entre autres avec Haviland avec qui nous travaillons sur un projet d’art de la table, mais aussi en Italie pour une ligne de mobilier et de poignées de portes signé Xavier Cartron. Ces collaborations verront le jour pour le salon du meuble de Milan en 2020.