Le Jardin des Plumes, un tableau vivant

Par un matin de lumière claire, les rues de Giverny s’imprègnent encore des échos de Claude Monet. Le regard se perd entre les reflets d’étang et les masses végétales organisées comme une palette vivante. C’est là, à quelques pas de la maison du peintre, que David Gallienne tisse à son tour un art de vivre, en cuisine comme à l’hôtel, avec le Jardin des Plumes comme atelier principal.

Une demeure, un récit

L’histoire du Jardin des Plumes commence bien avant l’arrivée du chef médiatisé. En 1913, la maison d’Armand Picard, ingénieur-conseil parisien, est érigée à Giverny. D’abord résidence secondaire, elle devient progressivement un petit monde clos où les gallinacées règnent et où l’âme de la campagne normande s’enracine. Presque un siècle plus tard, après des tentatives éphémères de restauration, c’est le chef Éric Guérin qui relance l’endroit sous le nom actuel. Puis, en 2020, David Gallienne en prend les rênes. Depuis, il en fait non seulement un restaurant étoilé, mais aussi un territoire gastronomique en expansion, à l’image de ses ambitions.

David Gallienne, cuisinier ancré et voyageur

Formé à l’école exigeante du travail manuel et nourri des gestes ruraux de son grand-père, David Gallienne se définit avant tout comme un artisan. Son passage à la télévision – gagnant de Top Chef en 2020 – n’a rien modifié de l’essentiel : une attention constante aux produits, un amour des producteurs, une curiosité insatiable. Sa cuisine, tout en finesse, s’autorise des détours exotiques (gyozas d’agneau, langoustine au riz thaï, bouillon végétal façon dimsum) sans jamais perdre de vue la terre normande. Le beurre est battu maison, les herbes proviennent du jardin, les poissons sont pêchés dans les rivières voisines selon la méthode japonaise de l’Ikéjimé. C’est toute une écologie intime du goût qu’il déploie, entre mémoire et audace.

Un menu comme une composition

À la Table du Jardin des Plumes, chaque repas se déroule comme une partition. Les amuse-bouche – 3 bouchées sur des produits normands – donnent le ton. Viennent ensuite des plats qui s’articulent autour d’émotions personnelles : le céleri rémoulade de sa grand-mère, un poulet vin jaune revu et corrigé, une teurgoule d’enfance. L’églefin fumé sublime la spécialité autour de la pomme de terre. Le service, à la fois précis et chaleureux, joue sa part dans cette scénographie. L’expérience culmine, pour les plus curieux, à la table du chef : un comptoir arrondi en forme de palette de peintre, où le chef cuisine et commente en direct. Pas de carte ici : on déguste l’instant, ses improvisations, ses souvenirs.

L’hospitalité, au sens large

Le Jardin des Plumes est aussi un hôtel. Derrière la façade néo-normande à pans de bois, les chambres portent des noms de races de poules et jouent l’élégance feutrée : mobilier art déco, œuvres d’inspiration asiatique, lumière douce et vue sur jardin. Le petit-déjeuner, en panier pique-nique, illustre bien cette attention à l’intime : confitures de la mère du chef, œufs coque, pain maison, yaourts de ferme et miel du village.

À quelques pas, Ô Plum’Art, ancienne maison du laitier du village, prolonge cette vision de l’hospitalité. Là, six chambres conçues comme un cocon blanc, minéral et tactile, abritent des objets chinés, du mobilier épuré, une télévision-tableau, et des salles de bains tout en béton ciré. L’univers de Gallienne s’y déploie dans une harmonie palpable.

Une gastronomie multiple

Le chef ne se contente pas de son étoile. Il a pensé Oscar, au cœur des jardins du musée des Impressionnismes, comme un bistrot festif, où la cuisine se veut plus directe, plus ancrée, mais jamais simpliste. Avec ses cocktails inspirés de Monet, ses assiettes végétales généreuses et son potager en toile de fond, Oscar ajoute une tonalité joyeuse à l’écosystème Gallienne.

Ajoutez à cela un food-truck prénommé Picorette, une boutique de produits gourmets à Vernon (Ô Plum Store), des ateliers de cuisine, des événements privés ou professionnels, et même des collaborations médiatiques : c’est tout un monde qui gravite autour du Jardin des Plumes, basé sur des convictions écologiques, une volonté de transmission et une belle générosité.

Une œuvre vivante

Ce qui frappe surtout au Jardin des Plumes, c’est que tout semble tenir ensemble. La cuisine, l’hôtel, les objets, les ateliers, les produits : tout participe à une même œuvre. David Gallienne construit plus qu’un restaurant. Il fabrique une atmosphère, une manière d’habiter le monde, entre sincérité paysanne et liberté d’artiste. Le Jardin des Plumes ne se visite pas : il se traverse, comme un tableau en mouvement.

Le Jardin des Plumes : 1, rue du Milieu 27620 Giverny. www.jardindesplumes.fr
Oscar : musée des Impressionnismes. Ô Plum’Art : 12 rue Claude Monet. Ô Plum’Store boutique gourmande à Vernon et en ligne : www.plumstore.fr